Que signifie faire du credit agricole en Haiti, la perle des Antilles?
Situé sur le côté occidental de l’Ile Hispaniola, Haïti est l’un des pays les plus pauvres du monde, surtout connu pour le tremblement de terre qui a touché sa capitale, Port-au-Prince, en janvier 2010, faisant des milliers de victimes.
Si aujourd’hui le pays ne jouit pas d’une bonne réputation au niveau international à cause de son instabilité politique et économique et des catastrophes naturelles, Haïti était connu comme la « perle des Antilles » à l’époque coloniale grâce à la prospérité de sa terre, notamment pour la canne-à-sucre, plus de la moitié de sa production mondiale provenant alors de l’Ile Hispaniola.
Depuis toujours, l’agriculture est une ressource essentielle pour le pays, mais depuis quelques décennies, le poids de ce secteur dans l’économie haïtienne a diminué, diminution qui n’est malheureusement pas compensée par une montée en puissance du secteur tertiaire, comme c’est d’habitude le cas dans les pays en voie de développement.
Parmi les causes qui ont mené à une diminution du poids économique du secteur agricole, on retrouve le changement climatique et les effets négatifs qu’il exerce sur la production agricole et par conséquent sur la vie de ceux qui vivent de cette activité. Être agriculteur est devenu de plus en plus risqué puisque les événements climatiques et atmosphériques sont toujours plus imprévisibles, et l’alternance entre fortes et brèves pluies et longues périodes de sécheresse compromet les récoltes.
Dans un tel contexte de vulnérabilité économique et environnementale, faire de l’agriculture est un défi et son financement est devenu très aléatoire, les institutions financières devant non seulement faire face aux risques traditionnels liés au crédit, mais également aux risques climatique-environnementaux.
C’est dans ce contexte que, de 2016 à 2019, Microfinanza a mené un projet, divisé en deux parties: recherche et action. L’objectif de ce projet est de permettre aux institutions financières de mener une analyse et une évaluation des risques climatique-environnementaux, qui doivent s’ajouter à l’évaluation du risque-crédit au moment de l’octroi d’un prêt. Compte tenu des difficultés que la population haïtienne rencontre dans l’accès au secteur bancaire traditionnel, Microfinanza a décidé de collaborer avec des coopératives d’épargne et de crédit (caisses populaires), qui outre leur rôle économique et financier, jouent un rôle social dans les communautés rurales. Microfinanza a développé un outil qui, sur la base d’un questionnaire composé de questions liées à la production de l’agriculteur, à ses habitudes et à la composition de sa parcelle, permet d’évaluer quatre indicateurs: la perception et les effets des changements climatiques selon l’agriculteur, la vulnérabilité des cultures, la vulnérabilité du sol et le risque environnemental, ce dernier étant surtout lié au comportement adopté par l’agriculteur dans la gestion de sa parcelle.
Le résultat de cette analyse est ensuite intégré à l’analyse économique-financière mené d’autre part par l’institution et sert de point de départ pour le développement de produits financiers verts. De fait, à côté de l’analyse climatique-environnementale, Microfinanza a élaboré, en concertation avec les institutions financières, des produits de crédit qui permette de diminuer les effets du changement climatique, comme l’irrigation goutte-à-goutte, l’utilisation du compost ou le stockage des denrées alimentaires pour en éviter la dégradation. Puisqu’il n’est pas possible éliminer totalement le risque lié à l’instabilité climatique, Microfinanza a décidé d’essayer d’en atténuer les conséquences à travers l’adoption des bonnes pratiques agricoles et comportementales.
Aujourd’hui les outils développés par Microfinanza, à la fois le questionnaire et l’outil pour l’évaluation climatique-environnementale, sont à disposition des coopératives d’épargne et de crédit qui peuvent les utiliser afin d’obtenir une évaluation intégrale de la situation de l’agriculteur.

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